Une fois n'est pas coutume, j'ai eu envie de voir à quoi ressemblait les films des humains.

En tuant une pauvre fillette sans défense qui avait commit la bêtise d'être sortie toute seule le soir, j'avais aperçu une affiche publicitaire qui vantait les mérites d'un film : Voyage au bout de la nuit. Ce voyage-là n'avait aucun rapport avec le livre de Céline, il parlait des Créatures de la Nuit... En lisant le synopsis, je ne pus m'empêcher de sourire. Dans un monde où les vampires sont les esclaves des démons et où les humains sont la nourriture de ces deux races, un vampire et un démon tombent tous les deux amoureux d'une jeune fille. Celle-ci est en fait l'incarnation du Bien sur Terre et a pour mission de sauver l'humanité. Une sorte de Roméo et Juliette revisité. Ridicule ! Tellement ridicule, même, que je jetais un œil aux séances pour savoir à quelle heure il sortait.

Le lendemain, je me rendis au cinéma, l'argent que j'avais volé à une de mes victimes dans ma poche. Comme d'habitude, le film commença avec dix bonnes minutes de retard. Je profitai de ce délai pour observer le public. Certains étaient énervés, d'autres patientaient tranquillement en discutant avec leurs voisins, d'autres étaient en train de s'embrasser sans aucune discrétion... Toute la misère humaine était affichée devant mes yeux. Cette salle était si grande, si démesurée, l'écran géant si impressionnant que ces hommes paraissaient minuscules, comme des fourmis impuissantes. Je devais sans doute faire la même impression, mais moi, au moins, j'avais beaucoup plus de possibilités. J'étais faible seulement en apparence, contrairement à toutes ses personnes assises dans leurs sièges.

Comme le film ne commençait toujours pas, je me levais pour aller acheter quelque chose à manger en bousculant toutes les personnes qui s'étaient installées sur mon passage. Mais, alors que je circulais dans les rangs, j'entendis une voix familière m'appeler :

"Indis ?! Bon sang, mais qu'est-ce que tu fais là ?!"

Je me raidi et me retourna lentement pour savoir qui osait me parler sur ce ton.